Les pièces manquantes de votre puzzle clinique… Partie 1- L’importance de la classification du patient

MDT McKenzie

Connaissez-vous ce patient  qui, à première vue, semble avoir toutes les caractéristiques d’un simple problème musculosquelettique, mais avec qui vous êtes toujours au point mort après quelques séances ? Si vous avez répondu « oui » à cette question, vous devriez lire cet article un peu plus afin d’ajouter des pièces à votre puzzle clinique.

L'émergence du modèle de soins biopsychosocial met l'accent sur le fait que la plupart des facteurs pronostiques liés à la chronicisation de la douleur sont biologiques, psychologiques, sociaux ou environnementaux (Nieminen et al. 2021) 

Il est capital pour le clinicien de savoir bien catégoriser le patient, en fonction du type de douleur qu’il éprouve , à savoir nociceptive, neuropathique ou nociplastique (Chimenti et al. 2018), et des facteurs qui vont influencer son pronostic. Tous ces facteurs sont appelés « drivers de la douleur et de l'invalidité" (Toussignant-Laflamme et al., 2017).

Le modèle de Toussignant-Laflamme est divisé en 5 différents types de drivers que nous allons éclaircir et étudier brièvement afin de vous donner des idées/stratégies de traitement pour devenir un vrai « profiler » , à la manière du Dr Spencer Reid dans la série « Esprits Criminels » : 

  1. Drivers nociceptifs

  2. Drivers du système nerveux

  3. Drivers de comorbidités

  4. Drivers cognitifs-émotionnels

  5. Drivers contextuels

drivers de la douleur

Toussignant-Laflamme et al. 2017

Ces différents drivers vont guider notre profilage du patient afin de détecter les différentes barrières à la récupération que nous devrons tenter de gérer avec lui, seuls ou avec l’aide d’autres professionnels de santé. La méthode MDT-McKenzie aide à l’éducation thérapeutique dans votre rééducation.

La première partie de cette série d’articles va d’abord se concentrer sur les différents types de douleurs et leurs caractéristiques, avant d’entrer plus précisément dans la gestion des différents drivers.

  1. Types de douleurs

    1. La douleur nociceptive :

      Douleur qui découle d’un dommage réel ou potentiel pour les tissus non-neuronaux et qui est due à l’activation des nocicepteurs (définition de l’IASP). Cette entrée nociceptive est activée par des sources mécaniques, chimiques ou thermiques. Les patients qui présentent des douleurs à dominante nociceptive vont, pour la plupart, être répondeurs à divers systèmes de classification, comme le MDT. Dans notre système, ces patients seront classifiés comme : syndrome de dérangement, syndrome de dysfonction, syndrome postural ou mécaniquement non concluant (ex: structurellement compromis, arthropathie inflammatoire,…).

    2. Douleur neuropathique périphérique

Douleur causée par une lésion ou une maladie du système nerveux somatosensoriel périphérique (Taxonomie de l’IASP). La présentation clinique liée à la colonne lombaire serait une radiculopathie douloureuse et sa distribution associée de douleur, d’engourdissement et de paresthésie. 

Elle n’est pas aussi courante que la douleur nociceptive, mais les patients atteints de douleur neuropathique ont tendance à avoir une rééducation plus longue avec un risque de chronicisation augmenté par rapport à ceux atteints de douleur nociceptive du bas du dos et sans atteinte du système nerveux (Baron 2016, Spahr 2017). La douleur neuropathique est distincte de la “douleur référée” des tissus somatiques de la colonne lombaire, car la douleur référée n’implique pas la racine nerveuse.

Dans notre système, ces patients seront classifiés comme : syndrome de dérangement, racine nerveuse adhérente, syndrome radiculaire mécaniquement non répondant, sténose.

Il n’est pas toujours facile de savoir si un patient présente des symptômes neuropathiques périphériques ou plutôt nociceptifs. L’utilisation du “PAIN DETECT” permet d’obtenir une différenciation plus facile. Le questionnaire DN4 permet également de savoir si les symptômes que le patient expérimente ont une origine neuropathique ou périphérique.

    1. Douleur nociplastique

Douleur associée à des changements dans le système nerveux central qui entraînent l’amplification de l’entrée périphérique. (Eller-Smith 2018) La définition officielle de l’IASP indique : “Douleur qui découle d’une nociception altérée malgré l’absence de preuve claire de dommage tissulaire réel ou menaçant causant l’activation des nocicepteurs périphériques ou de preuve de maladie ou de lésion du système somatosensoriel causant la douleur” (Taxonomie de l’IASP 2017).

 Des termes similaires pour la nociplasticité incluent “sensibilisation centrale”, “algopathique” ou “nocipathique”. Dans toutes ces circonstances, les patients ressentent une douleur généralisée avec une hypersensibilité dans des tissus apparemment normaux (Kosek 2016).

Dans notre système MDT, la classification « syndrome de douleur chronique » est celle qui correspond le plus à ce type de douleur, cela nous permet de différencier et donc de trier les patients chroniques avec un mécanisme de douleur à dominance nociplastique ou plutôt mécanique, avec des types de traitements tout à fait différents dans les deux cas.

  1. Comment intégrer le MDT au modèle de Toussignant-Laflamme ?

Les trois types de douleurs couvrent la totalité des classifications du système MDT, et également deux drivers du système de Toussignant-Laflamme : Nociceptif et système nerveux.

Le modèle de Toussignant-Laflamme sépare les drivers en deux catégories : les éléments plus communs et modifiables par le kinésithérapeute lui-même (catégorie A), et les éléments plus complexes, moins facilement modifiables et qui nécessitent une approche plutôt multidisciplinaire.

douleur nociceptive

Par exemple, en ce qui concerne la catégorie de drivers nociceptifs, si nous avons affaire à un patient classifié comme dérangement, nous savons que le pronostic de ce patient est favorable car ses symptômes sont facilement et durablement modifiables (Wernecke et al. 2002). Ces patients feront donc partie du driver nociceptif de catégorie A.

 Par contre, un patient classifié comme « inflammatoire » tel un signe de Modic symptomatique, sera lui classifié comme driver nociceptif de catégorie B car nous n’allons pas pouvoir modifier ses symptômes rapidement, et nécessitera une consultation chez un autre professionnel de santé afin d’adapter sa médication pour pouvoir l’aider.

De la même manière, en ce qui concerne les drivers du système nerveux périphérique, le clinicien MDT pourra manager lui-même un patient présentant une radiculopathie si cette dernière est causée par un dérangement, mais aura peut-être besoin de l’aide de médecins anesthésistes si le patient évalué est classifié comme « syndrome radiculaire mécaniquement non répondant », en sachant que 14% d’entre-eux pourront avoir une douleur abolie après une injection transforaminale, et 46% d’entre-eux pourront devenir des répondeurs mécaniques après l’injection (Van Helvoirt et al. 2016). 

Si un patient est classifié comme « syndrome de douleur chronique » (Driver du système nerveux de catégorie B), une approche multidisciplinaire sera certainement appropriée afin de prendre en charge le patient de manière efficace.

Conclusion

En conclusion, la classification du patient par le système MDT est donc un réel atout pour pouvoir obtenir la carté d’identité de ce dernier, à savoir : le mécanisme de douleur dominant, un pronostic sur son problème. Cela nous permet également de lui proposer une stratégie de management personnalisée en fonction de notre champ de compétence. Ces informations vont nous permettre d’obtenir une première pièce de notre puzzle clinique, sur laquelle on va analyser tous les autres facteurs pronostiques pouvant affecter notre patient, qui seront abordés dans le prochain article.

Références :

Nieminen, L. K., Pyysalo, L. M., & Kankaanpää, M. J. (2021). Prognostic factors for pain chronicity in low back pain: a systematic review. Pain reports6(1).

Chimenti R, Frey-Law L, Sluka K, et al. A Mechanism-Based Approach to Physical Therapist Management of Pain. Phys Ther. 2018;302(5):302-314

Tousignant-Laflamme Y, Martel M, Joshi A, Cook C. Rehabilitation management of low back pain – it’s time to pull it all together! Journal of Pain Research 2017;10:2373-2385

Baron R, Binder A, Attal N, et al. Neuropathic low back pain in clinical practice. European Journal of Pain 2016;20(6):861-873.

Spahr N, Hodkinson D, Jolly K, et al. Distinguishing between nociceptive and neuropathic components in chronic low back pain using behavioural evaluation and sensory examination. Musculoskeletal Science and Practice 2017;27:40-48.

Werneke, M., & Hart, D. L. (2001). Centralization phenomenon as a prognostic factor for chronic low back pain and disability. Spine, 26(7), 758–765

Van Helvoirt, H., Apeldoorn, A. T., Knol, D. L., Arts, M. P., Kamper, S. J., van Tulder, M. W., & Ostelo, R. W. (2016). Transforaminal epidural steroid injections influence Mechanical Diagnosis and Therapy (MDT) pain response classification in candidates for lumbar herniated disc surgery. Journal of back and musculoskeletal rehabilitation29(2), 351–359.

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